Les Kringloopwinkels, ces magasins seconde main solidaires et responsables

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Pauline Boué / Chloé Genovesi Fluitman

Le vintage est à la mode et ce serait dommage de ne pas en profiter pour… Non, excusez-nous, ce ne sera pas ce genre d’articles. Nous connaissons tous Vinted ou Leboncoin, mais aujourd’hui, nous allons plutôt nous intéresser aux Kringloopwinkels, des boutiques seconde main associatives et non lucratives. 

Ces magasins vendent effectivement des articles déjà utilisés, mais les profits engrangés servent uniquement à financer l’initiative et parfois les projets satellites de l’association ou la fondation en charge. À l’heure d’une crise écologique exclusivement provoquée par nos comportements et notre façon de consommer, ces structures permettent aussi de lutter contre le gaspillage.

La ressourcerie, ou le Kringloopwinkel aux Pays-Bas

Les Kringloopwinkels revendent des objets et des vêtements issus des dons de particuliers ou d’entreprises. Ces magasins de seconde main sont gérés par des associations ou des fondations et emploient des personnes fragilisées ou font appel à des bénévoles. Les profits engrangés servent à rémunérer les salariés, assurer le fonctionnement du magasin et financer les potentiels projets caritatifs.

Avant d’être mis en rayons et vendus à des prix très bas, les produits légués aux Kringloopwinkel sont reconditionnés, recyclés, ou même décyclés. Vous ne connaissez pas la différence entre ces termes (à l’instar de la rédactrice de cet article qui a eu la chance de pouvoir compter sur une Co-Francine plus aguerrie) ? Rendez-vous en bas de page pour y voir plus clair.

Pourquoi privilégier le Kringloopwinkel ?

La réponse à cette question paraît si évidente, qu’elle peut même sembler simpliste.

Le principe du Kringloopwinkel répond pourtant à des enjeux sociaux et environnementaux complexes qui dépassent la bonne action ponctuelle vous permettant de vous, débarrasser de vos vieilleries et de vous équiper pas cher.

Soutenir un projet solidaire :

Les profits générés par les Kringloopwinkels servent à financer des projets caritatifs. Il peut s’agir d’initiatives locales et / ou internationales. C’est le cas des magasins de la fondation Terre des hommes, qui vient en aide aux enfants, ou des magasins Emmaüs, qui réinjectent les bénéfices dans des campagnes solidaires.

En outre, Les Kringloopwinkels sont souvent gérés par des personnes en parcours de réinsertion. Dans une société comme la nôtre, l’émancipation, la reconnaissance sociale et l’autonomie financière passent quasi exclusivement par l’activité rémunérée. Or, le monde du travail répond à des codes stricts et brutaux. Il suffit d’un accident de la vie pour sortir du système, y re-rentrer est bien plus difficile, voire impossible. La plupart des Kringloopwinkels permettent alors aux profils fragilisés de se réinsérer, dans un environnement adapté à leurs défis spécifiques. Il s’agit même de l’objectif principal des Kringloopwinkels géré par des fondations, comme Noppes ou Rataplan. Ces magasins travaillent notamment en partenariat avec des agences de recrutement spécialisées dans le retour à l’emploi et la réinsertion sociale.

Éviter le gaspillage et limiter son empreinte carbone : 

Chaque année, les foyers accumulent des tonnes d’appareils et d’objets inutilisés, mais fonctionnels, remplacés par des alternatives plus perfectionnées. Après avoir traîné dans nos placards, ces objets finissent jetés dans le container général, un jour de grand tri. Mais, si notre maison est désencombrée, cet objet ne disparaît pas pour autant. Aujourd’hui, la plupart de nos équipements quotidiens contiennent des éléments polluants, qu’il s’agisse de la teinture de nos vêtements ou des métaux lourds qui composent nos téléphones. Non seulement ces objets sont polluants, mais ils sont produits et affrétés dans des conditions désastreuses. Ils ne sont pas non plus pensés pour être réintroduits dans un cycle de production. Après une première utilisation, il revient moins cher de racheter que de réparer et de reconditionner.

Ces appareils du quotidien (électro-ménager, électronique, accessoires en plastique) sont dangereux pour l’environnement, même lorsqu’ils sont recyclés. Leur accumulation a déjà causé des dégâts réels sur les écosystèmes. Face à cette quantité d’objets qui prolifèrent autour de nous, les Kringloopwinkels proposent de nettoyer, rénover, réparer et revendre ces objets délaissés à prix abordable. À condition de consommer intelligemment, le Kringloopwinkel représente une alternative intéressante pour s’équiper sans gaspiller.

Donner et acheter au Kringloopwinkel, comment ça marche ?

Si vous souhaitez faire un don à un Kringloopwinkel, il suffit en théorie d’apporter vos effets inutilisés à la ressourcerie de votre choix. Nous vous conseillons cependant de l’appeler au préalable pour vérifier que vos dons seront acceptés. Il est possible que le magasin propose déjà de nombreux articles similaires et qu’ils aient même du mal à les écouler. Ils peuvent alors refuser vos donations.

 

Tout ce que vous donnez doit être en bon état et fonctionner ou être réparable. Le Kringloopwinkel n’est pas une décharge multifonction qui s’affranchit d’un tri pénible sous prétexte que vous faites preuve de générosité. Ce terme n’est d’ailleurs pas adapté au concept. Donner au Kringloopwinkel, c’est s’engager dans une démarche vertueuse qui profite à tout le monde. Vous aussi, vous êtes ravis de pouvoir disposer d’articles à très bas prix (ce qui ne constitue pas une raison suffisante d’acheter un second toaster. Horeca exceptés, personne n’a besoin de posséder deux toasters).

Quels sont les principaux Kringsloopwinkel aux Pays-Bas ?

Aux Pays-Bas, on compte 1600 Kringloopwinkels de toutes les tailles. Nous avons listé pour vous les principaux :

 

Rataplan : local et solidaire


Grâce à ses nombreux Kringloopwinkel, la fondation Rataplan permet à ceux qui sont sortis du système de retrouver une activité professionnelle adaptée à leur situation. Pour cela, Rataplan est partenaire de nombreuses agences spécialisées dans les travailleurs fragilisés, programmes de réinsertion et instituts de formation.

Rataplan possède aujourd’hui 34 magasins situés en Hollande du Nord, en Hollande du Sud, à Utrecht, dans le Flevoland, Overijssel et dans le Gelderland. Rataplan a également ouvert un atelier spécialisé dans le décyclage et le surcyclage, ainsi qu’un service de réparation de vélos.


Terre des hommes : des Kringloopwinkels au service des enfants du monde


La fondation Terre des hommes lutte contre l’exploitation des enfants à travers le monde. L’organisation d’origine Suisse possède une quarantaine de Kringloopwinkels à travers les Pays-Bas. Toutes les boutiques sont gérées par des bénévoles qui soutiennent les actions de la fondation. À l’inverse des autres magasins cités dans cette liste, ces bénévoles ne sont pas en parcours de réinsertion. Il s’agit de particuliers, actifs ou non, qui souhaitent soutenir les actions de la fonction.


Tous les profits servent à financer les projets de l’organisation, qui intervient notamment au Bangladesh, en Inde, au Kenya ou encore en Tanzanie.


Noppes : la réinsertion responsable


À l’instar de Rataplan, Noppes est une fondation crée pour permettre aux personnes de se réinsérer professionnellement après une longue période hors du système. Actuellement, l’enseigne emploi plus de 300 personnes, rejointes par des bénévoles, des étudiants et des stagiaires.

Solidaire, l’enseigne Noppes est également engagée pour le climat. D’après le site internet de la structure, plus de sept millions de tonnes de textiles et de divers objets sont collectés chaque année et 76 % sont réutilisés. Le reste est recyclé, même si selon l’encart préparé par notre Co-Francine, le terme adapté serait plutôt décyclé ou surcyclé. Détail sémentique mis à part, cette démarche garantie la réduction de plus de 5 millions de kilos d’émissions de CO2 par an.


  De locatie : le petit qui s’en sort comme un grand


Comme Noppes et Rataplan, les trois Kringloopwinkels De Locatie emploient des personnes marginalisées. La structure leur offre un environnement et des ressources qui leur permet d’acquérir des compétences et une expérience adaptées à leur profil.

De Locatie dispose de trois enseignes, deux sont situées dans le nord et une dans l’est d’Amsterdam. Chaque année, l’organisation récupère et recycle 550 kg de matériel ce qui représente une économie de 550 kg de CO2. Avec ses 1000 clients par jours, et une augmentation des dons de 35 % en 2022, De Locatie est presque autosuffisante et ses Kringloopwinkels permettent d’assurer 80 % de ses revenus.

 

Emmaüs : les magasins communautaires


La fédération Emmaüs accueille les personnes en situation de précarité, et leur propose un logement et du travail. Emmaüs se présente comme une communauté au fonctionnement participatif. Actuellement, les Pays-Bas comptent huit communautés Emmaüs et 15 Kringloopwinkel rattachés. Contrairement à Noppes ou Rataplan, les Kringloopwinkels sont tenus par des bénévoles, qui vivent au sein de ces communautés.

Les profits perçus dans les Kringloopwinkels assurent le quotidien du groupe. L’argent qui reste permet aussi de soutenir des projets caritatifs très divers, locaux ou internationaux (banques alimentaires, activités pour les enfants, interventions dans des pays pauvres).

Gaspillage et recyclage aux Pays-Bas, Aller plus loin

Selon rapport Tri des déchets aux Pays-Bas, données 2020 du groupe de travail sur l’enregistrement des déchets, 1,7 million de tonnes de déchets organiques ont été compostées. 7,6 millions de tonnes de déchets ont été incinérés et 2,0 millions de tonnes de déchets (montants nets) ont été déversés. Au total, 2,7 millions de tonnes de terres et 1,8 million de tonnes de coulis de dragage ont été traités. 

La quantité totale de déchets résiduels brûlés dans les installations néerlandaises s’élève au total à 7,6 millions de tonnes en 2020. Il s’agit d’une augmentation de 3 % par rapport à 2019. Sur ce nombre, 6,5 millions de tonnes proviennent des Pays-Bas, ou une augmentation de 11 %. 1,1 million de tonnes proviennent de l’étranger, soit une diminution de 30 %. 

Recycler, décycler et surcycler les déchets, quelle différence ?

Comme le dit si bien notre ami Lavoisier : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”. Aujourd’hui, trois voies s’offrent aux objets : l’incinération (7,6 millions de tonnes en 2020 aux Pays-Bas), la décharge ou l’enfouissement (2,0 millions de tonnes en 2020 aux Pays-Bas) ou la remise en circuit, d’une partie ou de la totalité du produit. Le recyclage est de plus en plus pratiqué, même si plus d’efforts sont attendus. Cependant, tous les matériaux ne se recyclent pas : le pyrex, la céramique, certains plastiques comme le polyuréthane, et autres formicas considérés jadis comme terriblement innovant.


Recyclage : Ensemble des techniques ayant pour objectif de récupérer des déchets et de les réintroduire dans le cycle de production dont ils sont issus ( papier, verre, métaux, PE, PP, etc.)

Décyclage : Transformation d’un matériau / produit jeté en un nouveau matériau ou produit, de qualité ou de valeur moindre. Vos vieux pulls en panneau d’isolation, par exemple.

Surcyclage : Récupération des produits/matériaux que l’on n’utilise plus pour les transformer en produits / matériau de qualité supérieure.


Reconditionnement : Remise en état de marche d’un produit d’occasion.