Le Noël des fins gourmetten

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Alors que les étals français s’emplissent de bourriches d’huîtres, de volailles, de pommes de terre violettes, de marrons, de gibier, de champignons sauvages et autres mets savoureux pour concocter des repas inoubliables, les expats observent d’un air perplexe les barquettes en plastique s’accumuler dans les rayons de leur Albert Heijn. Francine décrypte la tradition de la gourmet.

Au menu : du choix et de la simplicité

Aux Pays-Bas, depuis les années 1970, la plancha-raclette (avec planche et poêlons) est la tradition incontournable pour les repas de Noël, de la Saint Sylvestre et de la Saint Nicolas. On installe l’appareil au milieu de la table et chacun se dispute gentiment une place pour faire griller ses bouts de viande, de poisson, ou de substitut vegan. Certains hôtes auront préparé un side de salade, mais on préfère généralement proposer quelques légumes à griller : champignons, oignons, poivrons, au diable les saisons. Les Dutch étant partisans du moindre effort en cuisine, ils achètent le tout prédécoupé à un prix au kilo exorbitant (c’est Noël, tout de même).

 

Il n’est pas rare non plus de voir à table une préparation d’œufs battus pour confectionner de petites omelettes. Et pour assaisonner le tout, on débouche une dizaine de sauces (façon fondue bourguignonne). 

 

Sans aucune ironie (on sait bien que nos amis ne connaissent pas le second degré), les Dutch appellent cette « spécialité » gourmet (on prononce le T). Simplissime et convivial, c’est le Noël idéal, au point que plus de la moitié des familles adopte ce menu chaque année. Avec la gourmet, chacun est sûr de manger à son goût sans que les hôtes ne se cassent la tête pour concilier les exigences alimentaires des uns et des autres. Même l’odeur de graillon qui flotte plusieurs jours dans la maison a le goût de Noël.

Et pour le dessert ?

On oublie la bûche et les 13 desserts, naturellement. Pour le plus grand plaisir de nos amis, les appareils sont deux-en-un : gourmet et crêpe party. Pour finir le repas, on mélange donc un pancake mix avec du lait et des œufs (la préparation la plus délicate de la soirée), et on s’amuse à table avec ses poêlons. Pour rafraîchir le palais, certains hôtes proposeront également des fruits estivaux (achetés) en morceaux.

Garder ses mains occupées pendant tout le repas serait une façon (inconsciente) de s’assurer que les conversations restent légères et ainsi éviter les débats houleux qui alimentent nos fêtes de famille.

Un modèle à adopter ?

Derrière la condescendance des Français face à cette tradition, se cacherait-il une pointe de jalousie ? En plus de la charge mentale du choix et de l’achat des cadeaux, de l’organisation entre les différentes familles, du récurage de la maison, de la décoration de la table – et j’en passe, les Français(es) lisent dans tous les magazines une injonction à préparer un noël “sans faute” à base de plats “incontournables”.

 

Les hôtes Dutch, de leur côté, n’ont pas à cuisiner trois jours durant un menu hors du commun en 6 services. Ils se contentent d’ouvrir les barquettes en plastique et d’en vider le contenu dans des bols. Et personne n’en attend davantage. Si les Français promènent, non sans fierté, leur aura de cordon bleu, cette réputation est finalement limitante. Elle nous garde trop souvent d’envoyer chier nos traditions culinaires et de se remettre de tout le stress accumulé cette année autour d’une bonne raclette de Noël.

 

De plus, économes jusque sur la table des fêtes, les Dutch n’ont pas à fermer leur PEL pour inviter leur famille à Noël. Les meilleurs gestionnaires pourraient même découper eux-mêmes les morceaux à griller (comble de l’effort) et faire de belles économies. En France, où nous sommes toujours si regardant sur la qualité des produits, les repas de Noël donnent souvent dans la surenchère. Et pour cause : rien au menu n’est bon marché, tout doit fleurer bon l’excès et l’exceptionnel.

La COVID menace aussi la gourmet

Plus que pendant les années sans COVID et l’an dernier (où le nombre de convives était drastiquement limité), les Néerlandais envisagent cette année de lutter contre la morosité avec un repas inattendu. Dès octobre, et bien plus tôt que les années précédentes, le volume de recherche de recettes de Noël sur le site d’Albert Heijn a considérablement augmenté. Les recherches populaires : cocktail de crevettes, compotée de poires, tiramisu, tompouce à la mousse d’avocat et saumon fumé ou encore bœuf bourguignon.

 

La tendance cette année est d’en mettre plein la vue avec des mini préparations à gogo : on mise sur la quantité avec des amuses bouches, des verrines, des bouchées, des canapés, etc. Le High Tea version salée et sucrée, avec, toujours, cette idée de partage facile où chacun choisit ce qui lui plaît.

 

Autre tendance 2022 pour le moins étonnante – et qu’on ne risquerait pas d’observer dans l’hexagone  – : alors que la santé est désormais notre obsession à tous, 63 % des personnes interrogées par Albert Heijn jugent important de préparer et manger un menu de Noël sain. Pour les personnes de plus de 60 ans, ce pourcentage grimpe même à 75 %.

En plus d’un restaurant, la plupart des lieux ont un programme culturel bien rempli et il est donc tout à fait possible de combiner un dîner avec un concert ou une expo. Ne jouez pas l’étonné.e si une performance artistique improvisée vient épicer votre dîner : ces lieux sont généralement plein de surprise et de spontanéité.

Finalement, la gourmet c’est le goût des choses simples. Cette tradition nous rappelle que Noël est avant tout une occasion de partager de bons moments, sans risquer le burn out. Malgré la pandémie, cette spécialité néerlandaise a de beaux jours devant elle car elle répond à toutes les exigences des Dutch en matière de repas : simple, pas cher et qui met tout le monde d’accord.