Louer un logement aux Pays-Bas : galère ou galère ?

Chloé rédige pour francine à vélo

Chloé Genovesi Fluitman vit au Pays-bas depuis 13 ans avec un Dutch et leurs deux enfants binationaux. Depuis quelques mois, elle a enfin sauté le pas : elle fait de sa passion pour l’écriture son métier. Rendez-vous sur son site pour retrouver ses chroniques piquantes et son actualité de rédactrice.

 

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Depuis quelques années, la chasse aux locations long-terme en territoire urbain néerlandais est devenue une discipline de précision ultra dangereuse que seules quelques têtes brûlées parviennent à maîtriser sans y laisser leur santé mentale et l’intégralité de leurs économies. 

Pollution, ultra tourisme, arnaques… Le secteur locatif néerlandais serait-il devenu fou ? Francine vous explique tout !

Peu de logements VS une population qui augmente

Lorsque vous avez débarqué aux Pays-Bas avec pour seul bagage votre carte d’identité et… un bagage, vous vous êtes dit « Trop facile, dans deux semaines je quitte le dortoir de mon auberge pour un petit studio bien éclairé avec vue sur un canal ! » même si à cette époque vous étiez bien incapable de prononcer le nom du canal en question. Deux ans plus tard, vous êtes parfaitement bilingue (ou presque) et après des mois de recherches infructueuses, vous avez finalement déniché un lieu un peu plus intime où poser votre sac. Détail sans importance, il s’agit d’une place de parking souterrain de 2 mètres sur 3, louée sous le manteau 1000 euros par mois. 

La situation est inacceptable et viole impunément la convention internationale des droits de l’homme, mais vous n’êtes pas seul.e et des milliers d’autres expatrié.es et locaux affrontent les mêmes difficultés. Le nombre d’habitants aux Pays-Bas ne cesse d’augmenter et nous devrions être 18 millions à y vivre d’ici 2030.

Problématique environnementale et répartition des espaces

Selon un rapport publié en juin 2020 par la vice-première ministre néerlandaise Kasja Ollongren, il faudrait construire 845 000 logements au cours des dix prochaines années pour pouvoir répondre à la demande grandissante. Or, l’industrie du bâtiment est connue pour être extrêmement polluante et est soumise depuis 2019 à des régulations drastiques visant à limiter ses émissions d’azote. Le quota de constructions nouvelles autorisé est donc actuellement très limité.

Si ces régulations sont en passe d’être rediscutées, il n’est pas souhaitable pour autant que l’on bâtisse intensivement. Déjà très urbanisés, les Pays-Bas doivent impérativement préserver les espaces encore sauvages et les parcs naturels, il en va de la survie des différents écosystèmes présents sur le territoire néerlandais. Une des solutions pourrait être de réduire la proportion de terres agricoles au profit de terrains constructibles, puisqu’on estime que la moitié de l’espace national est aujourd’hui réservé à la production alimentaire et qu’une drôle de légende voudrait que vivent ici plus de cochons que d’êtres humains.

Ultra tourisme et évolution des espaces urbains

Les touristes sont souvent désignés grands responsables de la crise immobilière. S’il est facile de fustiger ces hordes de visiteurs qui errent l’œil rougi et le gloussement suspect à Amsterdam le samedi après-midi, le tourisme fait vivre des milliers de locaux et participe activement au bon essor des villes de la Randstaad. Victimes de leur succès, les ultra-centres ont dorénavant des airs de parc d’attraction qui peuvent faire grincer des dents ceux qui regrettent une époque parfois fantasmée où l’authenticité régnait encore à chaque coin de rue et où l’on pouvait se loger décemment au cœur des grandes villes. 

Une affluence record tout au long de l’année a poussé de nombreux propriétaires à se tourner vers la location temporaire. Elle permet, en effet, d’engranger plus de revenus sans s’embarrasser de contrats de locations et de relations parfois houleuses avec des locataires qui ne font que râler sous prétexte qu’on leur impose 65 % de hausse de loyer annuelle. L’offre « long terme » est ainsi peu à peu réduite à peau de chagrin et voit son prix augmenter face à une demande toujours plus forte.
Pour assurer le salut de ces grandes villes qui auraient vendu leur âme au dieu Airbnb, la loi impose depuis 2020 un maximum de 30 jours par an destinés aux locations temporaires et la détention d’une autorisation officielle.

Guide de survie dans cette jungle urbaine

Avant d’envisager de planter votre tente sur Museumplein, ou de vendre votre rein au marché noir pour la caution qui vous permettra d’acquérir un mignon 9 mètres carré en vis-à-vis, suivez ces quelques conseils tout simples :


Préparez-vous : On ne se présente pas sur la ligne de départ du marathon de New-York sans s’être un minimum entraîné. Enfin, on peut, mais on s’effondre 2 kilomètres plus loin foudroyé par un point de côté fulgurant. Avant de vous lancer :

  • Listez des critères de sélection précis qui vous permettront de jauger en un coup d’œil si le lieu vous convient
  • Établissez un budget
  • Regroupez les documents nécessaires

Pour espérer faire partie des heureux élus, vous devez être en mesure de dégainer une réponse positive et un dossier complet plus rapidement que vos adversaires.


Soyez flexible : tTout le monde cherche un bel appartement lumineux et pas cher dans le centre. Si les miracles existent, leur définition même rend la possibilité de les voir se réaliser plus qu’incertaine. En acceptant de vous excentrer, voire de changer de ville, vous pouvez bénéficier de loyers bien plus modérés et profiter d’un réseau national de transports en commun qui fonctionne jusque tard le soir. Si vous n’envisagez pas de reconsidérer vos exigences géographiques, vous pouvez également opter pour la colocation. Ce mode de vie collectif vous permettra de vous faire de nouveaux amis et de tester votre résilience face à la vicissitude humaine.


Attention aux plans douteux et aux arnaques : La crise du logement actuelle a décuplé la créativité de certains individus peu scrupuleux, prêts à vous louer à prix d’or la chambre froide désactivée d’un restaurant fermé pour cause de COVID, ou un canapé au milieu d’un salon déjà fréquenté par 5 amis férus d’in-house clubbing. Heureusement, votre liste de critères préétablis devrait vous permettre d’éviter avec brio les plans bancals qui ne manqueront pas de se dresser sur votre route.

Assurez-vous de pouvoir vous enregistrer à la mairie. Cet enregistrement est obligatoire et systématiquement requis au moment de contracter une assurance ou d’obtenir votre numéro de sécurité sociale, tous deux indispensables lorsque l’on vit aux Pays-bas. 

N’acceptez jamais de payer quoi que ce soit sans avoir visité au préalable et refusez tous paiements par mandat. Si un « propriétaire » vous fait miroiter une aubaine trop belle pour être vraie, c’est tout simplement qu’elle n’est pas vraie. Non. Il n’y a pas d’exceptions à la règle. Passez votre chemin on vous dit.


À noter : Si vous estimez que le montant exigé est trop élevé, vous pouvez saisir la huurcommissie, un organisme chargé de réguler les loyers et éviter les abus.

Il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter bonne chance !

Prochainement, Francine s’intéressera aux conséquences de la crise du logement locatif sur les populations les plus précaires. Nous traiterons également la question des achats immobiliers puisque les Néerlandais font encore souvent le choix d’acheter rapidement, plutôt que de louer.