qui veut voyager loin ne ménage pas sa monture – ni les piétons

Hélène rédige pour francine à vélo
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On connaissait les fous du volant. À Amsterdam, on rencontre les fous à vélo. C’est tout du moins la première impression que te donne cette horde de cyclistes, souvent blonde, prête à en découdre à tous les feux verts – ou rouges. On s’en fout, de toute façon, on passe.

 

Rem jij voor duiven?” Tu freines toi quand tu vois des pigeons ?

 

Cette question, qui peut paraître anodine, m’a fait sourire et réfléchir. Elle est très représentative de l’attitude des Néerlandais à vélo, enfin surtout de celle des Amstellodamois.

 

Mesdames et Messieurs, l’Amstellodamois lancé sur son vélo de bon matin, à l’heure de pointe, n’est pas là pour conter fleurette. Il a juste la rage, la caféine qui gargouille et le coup de pédale bien féroce. Il ne freinera ni pour les piétons, ni pour les voitures, ni pour les poussettes (bon si allez, je freine un peu quand même), ni pour les feux rouges, ni pour les pigeons, et accélèrera même à la vue d’un touriste (ah chic ! Un touriste qui traverse sans regarder, tiens je vais lui faire peur). J’exagère à peine. TOUT, je dis bien absolument tout, ce qui fera entrave à son parcours et le forcera à mettre pied à terre (summum de l’horreur) lors de son périple sera considéré comme un obstacle à annihiler.

 

Quand le danger et la collision se font imminents, on entendra des coups de sonnettes de vélo saccadés et fortement irrités, suivis de copieuses insultes ou jurons. On se cogne, on se frotte, on s’engueule, et si les montures et les corps sont toujours intacts, chacun continuera sa route à 100 km/h comme si de rien n’était. Et on ne se retourne pas, surtout.

 

La seule règle tacite que j’ai rarement vue enfreinte, c’est de doubler quelqu’un par la droite. Faut pas pousser quand même.

Autre fait remarquable : ce sentiment d’invincibilité, limite teinté d’arrogance. On entendra souvent des “Pfff je suis né sur un vélo !” ou “Pfff je suis Néerlandais moi !” à toute remarque relative à la sécurité en deux roues. Tornade, pluie battante, neige, peu importe : jamais sans mon deux-roues. Je suis né sur un vélo, donc les accidents, c’est pour les autres (comprendre : tous les non-Néerlandais). Et surtout, on ne porte pas de casques, c’est naze, c’est pour les expats et les touristes.

 

On notera aussi cette incroyable capacité à faire tout et n’importe quoi sur son vélo : je fais du vélo sans les mains, j’ai la musique à fond dans mes écouteurs, je zigzague sur le verglas, je pédale dans la tempête (avec ou sans parapluie), j’ai mon enfant debout sur le porte bagage arrière, je traîne ma valise à côté, je tiens mes packs de bière d’une main sur le porte-bagage, je pédale avec mes béquilles dans une main et mon plâtre dans l’autre, je ramène le vélo de ma cops en pédalant, et, tiens pourquoi pas : j’ai une planche à repasser sous le bras…

 

Des performances de cirque tous les jours, mais sans filet de sécurité. Parce que, ben, je suis Néerlandais.